Daech en 2025 : Que reste-t-il du califat ?

L’Ascension et l’Apogée du Califat

Les origines de l’État islamique remontent à Jama’at al-Tawhid wal-Jihad, un groupe fondé par Abou Moussab al-Zarqaoui en 1999. Zarqaoui, un extrémiste jordanien, a prêté allégeance à Oussama ben Laden en 2004, transformant son organisation en Al-Qaïda en Irak (AQI). AQI s’est fait tristement connaître pour ses tactiques brutales, visant les forces américaines ainsi que les communautés chiites, ce qui lui a permis de gagner en notoriété et d’incarner la lutte sunnite contre l’impérialisme et ceux qu’ils considéraient comme des mécréants.
Après la mort de Zarqaoui dans une frappe aérienne américaine en juin 2006, la direction d’AQI a été reprise par Abou Ayyoub al-Masri (provenant de la direction centrale d’Al-Qaïda). C’est sous sa supervision qu’un tournant majeur s’est opéré : en octobre 2006, AQI a fusionné avec plusieurs autres groupes djihadistes sunnites locaux pour former l’État islamique en Irak (EII). Ce changement marquait une tentative stratégique visant à s’émanciper d’Al-Qaïda et à poser les bases d’un califat autonome en Irak. À ce moment, Abou Omar al-Baghdadi a été désigné comme chef symbolique de l’EII, tandis qu’Abou Ayyoub al-Masri restait en arrière-plan en tant qu’architecte militaire et idéologique.
L’EII, bien que présenté comme une « fusion » avec d’autres groupes, était largement dominé par AQI. En 2010, la mort d’Abou Omar al-Baghdadi et d’Abou Ayyoub al-Masri dans une opération conjointe des forces américaines et irakiennes a conduit à un nouveau passage de pouvoir. Abou Bakr al-Baghdadi a pris la tête de l’organisation, qui allait, sous son commandement, entrer dans une phase d’expansion rapide.
En 2013, l’État islamique en Irak (EII) a cherché à étendre son influence en Syrie, où la guerre civile faisait rage. Abou Bakr al-Baghdadi avait envoyé Abou Mohammad al-Jolani en Syrie pour y établir une filiale, donnant naissance à Jabhat al-Nosra, qui devint rapidement un acteur clé du conflit. Plus tard, al-Baghdadi a annoncé son intention de fusionner l’EII et Jabhat al-Nosra pour former l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), ou ISIS en anglais. Cependant, al-Jolani a rejeté cette fusion, affirmant son indépendance. Il a prêté allégeance à Ayman al-Zawahiri, le leader d’Al-Qaïda, alignant Jabhat al-Nosra sur l’organisation centrale d’Al-Qaïda.
Ce refus de fusion a provoqué une rupture irréversible entre al-Baghdadi et Al-Qaïda. Al-Baghdadi a alors lancé une offensive directe en Syrie avec ses propres forces, consolidant l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), marquant ainsi une scission nette avec Al-Qaïda et le début de l’expansion agressive du groupe en Irak et en Syrie.
Le 23 février 2014, la tension entre l’État islamique et Al-Qaïda a atteint son paroxysme après l’assassinat d’Abou Khaled al-Souri, un médiateur important entre Jabhat al-Nosra et Al-Qaïda. L’État islamique a orchestré un attentat suicide à Alep, tuant al-Souri, ce qui a marqué l’éclatement définitif des relations entre les deux organisations. Cet acte a déclenché une guerre ouverte entre l’État islamique et Al-Qaïda.
En 2014, le groupe a simplifié son nom pour devenir État islamique (EI), abandonnant les références géographiques à l’Irak et à la Syrie, traduisant ses ambitions pour un État islamique mondial.
Après avoir capturé Raqqa en Syrie (le 15 mars) et Mossoul en Irak (le 10 juin), le groupe a proclamé la création d’un califat sous la direction d’Abou Bakr al-Baghdadi. C’est à Mossoul, lors d’un discours prononcé le 4 juillet 2014, qu’al-Baghdadi s’est proclamé calife de tous les musulmans, marquant la naissance officielle de l’État islamique.
À son apogée en 2015, l’État islamique contrôlait un territoire d’environ 230 000 kilomètres carrés en comptant les zones sous contrôle direct, sous influence et les zones désertiques, soit un territoire comparable au Royaume-Uni. L’EI a fait de Raqqa (4e ville de Syrie) et Mossoul (2e ville d’Irak) ses capitales régionales.
Durant cette période, l’EI a commis de nombreuses atrocités, notamment contre les Yazidis dans le nord de l’Irak. Quand ils ont envahi la province du Sinjar en août 2014, ils ont abattu plus de 5 000 personnes et réduit en esclavage sexuel des milliers de femmes et de fillettes. Le massacre a été reconnu comme un génocide en 2016 par les Nations Unies. Le groupe a également pris le contrôle de sites culturels majeurs, notamment Palmyre en Syrie, où il a détruit à l’explosif des sites antiques dans le cadre de sa campagne pour effacer tout ce qu’il considérait comme non islamique.
Pendant cette période de toute puissance, l’État islamique (EI) a intensifié ses attaques terroristes, non seulement en Irak et en Syrie, mais également en Europe et en Afrique, dans le but de propager la terreur et de promouvoir son idéologie radicale. Le groupe a revendiqué de nombreux attentats meurtriers qui ont marqué les esprits à l’échelle mondiale. Parmi ces attaques :
• Attentat de Tunis au musée du Bardo – 18 mars 2015
Deux terroristes de l’État islamique ouvrent le feu sur des touristes au musée du Bardo à Tunis, faisant 22 victimes, principalement des touristes étrangers.
• Attentat de Paris, salle de concert Bataclan et autres attaques (13 novembre 2015)
Un ensemble d’attaques coordonnées à Paris, incluant la prise d’otages au Bataclan et des attentats suicides près du Stade de France. Cet attentat fait 130 morts et plus de 350 blessés.
• Attentat à la voiture piégée à Bagdad, Irak – 17 février 2016
Un attentat dans le quartier de Sadr City, à Bagdad, tue 70 personnes et en blesse plus de 100, dans l’une des attaques les plus meurtrières à Bagdad pendant cette période.
• Attentat de Bruxelles, Belgique – 22 mars 2016
Deux attentats-suicides à l’aéroport de Bruxelles et dans la station de métro Maelbeek font 32 morts et plus de 300 blessés.
• Attentat à Nice, France – 14 juillet 2016
Un attentat au camion bélier durant la fête nationale sur la Promenade des Anglais tue 86 personnes et en blesse plus de 400 autres.
• Attentat d’Istanbul (aéroport Atatürk) – 28 juin 2016
Trois kamikazes ont attaqué l’aéroport Atatürk à Istanbul, faisant 45 morts et plus de 200 blessés.
• Attentat à Bagdad, Irak – 3 juillet 2016
Un attentat à la bombe dans un quartier commerçant de Karrada à Bagdad tue 292 personnes et en blesse plus de 200, dans un attentat particulièrement meurtrier.
• Attentat de Manchester, Royaume-Uni – 22 mai 2017
Un attentat-suicide à la sortie d’un concert à la Manchester Arena tue 22 personnes et fait plus de 100 blessés.

La Chute de l’État Islamique

Malgré l’expansion rapide de l’État islamique (EI) à partir de 2014, ce dernier s’est rapidement retrouvé confronté à une résistance militaire sur plusieurs fronts. Dès septembre 2014, une coalition internationale dirigée par les États-Unis a été formée pour combattre l’EI. Parallèlement, l’EI affrontait le régime de Bachar el-Assad, soutenu par la Russie et l’Iran, qui avaient également engagé des forces sur le terrain en Syrie. En plus de cela, l’État islamique faisait face aux attaques des forces kurdes, en particulier les YPG (Unités de protection du peuple kurde), ainsi qu’aux rebelles syriens opposés au régime de Damas. En Irak, les forces irakiennes, soutenues par la coalition internationale, ont mené des offensives pour repousser l’EI de leurs territoires. Cette combinaison de fronts multiples a progressivement affaibli l’État islamique, le forçant à se retirer de nombreuses régions stratégiques.

PalmyreEn mars 2016, Palmyre, un site archéologique emblématique situé dans le centre de la Syrie, a été libérée pour la première fois par les forces syriennes, soutenues par les frappes aériennes russes. Mais l’État islamique a repris le contrôle de la ville quelques mois plus tard, en décembre 2016, avant que les forces syriennes, avec l’aide de la Russie, ne libèrent à nouveau la ville en mars 2017.MossoulLa chute de Mossoul, le dernier bastion majeur de l’EI en Irak, a constitué un tournant clé dans la défaite de l’État islamique. Après des mois de combats acharnés, la ville a été libérée en juillet 2017 par les forces irakiennes, soutenues par une coalition internationale. La bataille de Mossoul a été l’une des plus sanglantes de la guerre contre l’EI, avec des milliers de civils tués et des destructions massives. Les forces irakiennes, avec l’appui aérien des États-Unis, ont réussi à reprendre la ville après de longs mois de combats urbains intenses.RaqqaLa libération de Raqqa en octobre 2017 a marqué un autre coup dur pour l’État islamique. Raqqa a été reprise par les Forces démocratiques syriennes (FDS), composées en grande partie de milices kurdes.AlepAlep, la deuxième plus grande ville de Syrie, a également connu une libération décisive. Alep a été libérée en 2016 par les forces loyalistes de Bachar al-Assad, avec l’aide cruciale de la Russie et de l’Iran.Deir ez-ZorEn 2017, une autre ville importante, Deir ez-Zor, dans l’est de la Syrie, a été libérée après trois ans d’occupation. Cette ville était un fief clé pour l’EI en Syrie, et sa reconquête a été un tournant stratégique. Les forces syriennes, soutenues par la Russie, ont finalement repris la ville après une longue période de siège par l’EI. La libération de Deir ez-Zor a permis de couper une ligne d’approvisionnement stratégique pour l’EI et a affaibli sa position dans l’est de la Syrie.BaghouzEnfin, en mars 2019, le dernier bastion significatif de l’État islamique, Baghouz, un village situé à l’est de la Syrie, à la frontière irakienne, est tombé face aux Forces démocratiques syriennes (FDS). Après plusieurs mois de combats, les dernières forces de l’EI ont été écrasées, marquant ainsi la fin du contrôle territorial de l’État islamique.À son apogée, l’État islamique comptait entre 50 000 et 80 000 combattants dans ses rangs. Après la perte de Baghouz, son dernier bastion en Syrie, les combattants restants ont été dispersés. Une partie significative a été tuée lors des combats ou des frappes aériennes de la coalition internationale. Cependant, des milliers d’autres ont été capturés ou se sont rendus. Actuellement, environ 60 000 personnes liées à l’État islamique sont détenues dans des prisons sous contrôle kurde dans le nord-est de la Syrie, dont environ 30 000 enfants, retenus dans des camps comme Al-Hol et Roj, administrés par les Forces démocratiques syriennes (FDS). La situation humanitaire y est critique et le rapatriement vers leurs pays d’origine est très lent.Depuis 2019, l’État islamique a mené plusieurs attaques coordonnées pour libérer ses membres détenus. La plus importante a eu lieu en janvier 2022, lorsque des insurgés ont attaqué la prison de Ghwayran, située à Hassaké. Cette prison abritait environ 4 000 combattants. L’assaut, accompagné d’évasions massives et de combats intenses, a été repoussé, mais plusieurs centaines de détenus ont réussi à s’évader.
Ces 10 dernières années, les capacités opérationnelles de l’EI n’ont cessé de diminuer, et le nombre d’attaques a également fortement diminué en corollaire. Cela s’explique par les pertes massives, y compris celles de ses cadres.
Abou Bakr al-Baghdadi, le leader de l’État islamique, est mort le 27 octobre 2019 lors d’une opération des forces spéciales américaines dans la province d’Idlib, en Syrie, contrôlée à l’époque par HTC. Après sa mort, Abou Ibrahim al-Hashimi al-Qurashi a été désigné calife. Ancien responsable des services de renseignement de l’EI (Amniyat), il a dirigé le groupe jusqu’à sa mort, le 3 février 2022. Son successeur sera tué en octobre de la même année. Un autre calife prendra la tête du groupe jusqu’en avril, toujours éliminé par les Américains. Depuis cette date, Abu Hafs al-Hachimi al-Qurashi a pris la relève. Il est le 5e calife de l’État islamique. Sa nomination a été annoncée sur Telegram. Son nom déclaré est son nom de guerre, et aucune autre information précise n’a été divulguée à son sujet.







evolution territoriale de l’EI DE 2014 à 2020

L’État islamique en 2025Après la chute de son dernier bastion territorial à Baghouz, l’État islamique (EI) a survécu en se réorganisant sous la forme de cellules résiduelles qui opèrent désormais à travers un mode de guérilla. Contrairement à la structure califale qu’il a autrefois imposée sur de vastes territoires, l’EI mène aujourd’hui des attaques sporadiques, principalement dans des zones désertiques ou rurales, où il peut profiter des grottes et de la nature pour se dissimuler et mener ses opérations. Bien que son territoire ait été éradiqué, l’organisation conserve une force déstabilisatrice, avec un nombre estimé d’insurgés oscillant entre 1 500 et 3 000 combattants actifs en Irak et en Syrie.
La mission de la coalition internationale menée par les États-Unis contre l’EI devrait se terminer d’ici septembre 2025. Le retour de Donald Trump, qui souhaitait retirer ses troupes de Syrie lors de son dernier mandat, pourrait impacter les Kurdes et la gestion des camps de détention. Les Américains bénéficient du pétrole extrait de ces zones depuis de longues années maintenant, en échange de leur soutien militaire aux Kurdes. Le choix de l’administration Trump face à cette situation sera crucial pour l’avenir de la Syrie.
L’attaque perpétrée à La Nouvelle-Orléans le 1er janvier 2025, revendiquée par un individu ayant prêté allégeance à l’EI, démontre que l’influence de l’organisation demeure bien vivante et peut se manifester loin de ses bastions traditionnels.
Il est également important de souligner qu’au cours des dix dernières années, des filiales et franchises de l’EI se sont développées. L’État islamique ne se limite plus à l’Irak et à la Syrie ; son réseau a évolué en une structure décentralisée d’affiliés. L’Afrique, en particulier, est devenue un terrain clé d’expansion, avec des groupes affiliés comme l’État islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO) et l’État islamique dans le Grand Sahara, qui continuent d’intensifier leurs attaques. En Asie du Sud-Est et en Asie du Sud, Daech poursuit également son implantation via ses franchises locales.
Par ailleurs, l’une des branches les plus préoccupantes de l’EI est la filiale du Khorassan, l’État islamique au Khorassan (EI-K), qui représente une menace directe pour la sécurité régionale. Ce groupe, dont les capacités logistiques et financières se sont renforcées, est responsable de plusieurs attaques médiatisées en dehors de son épicentre, notamment en Russie et dans le Caucase. Un article détaillé sur cette branche sera publié dans les prochaines semaines, avec une analyse plus approfondie de ses activités et de son rôle dans l’évolution globale de l’EI.

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